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Les feuilles de Pierre Cuny
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  • Travaux forestiers, bûcheronnage, élagage, soins aux arbres, démontage d'arbres dangereux, sylviculture, les végétaux et la nature dans tous ses états. A la découverte de notre patrimoine végétal et architectural...
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20 mai 2020

LE CHÊNE DE BAINVILLE AUX SAULES EN DANGER ! De petite taille, l'ennemi occasionne des dégats immenses ! 20 mai 2020.

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Chenilles processionnaires sur le chêne de Bainville aux Saules, le 18 mai 2020.

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Le gros chêne de Bainvilles aux Saules le 16 mai 2020.

 

Depuis maintenant plusieurs décennies, j’ai fait la connaissance de cette « boulotteuse » de feuilles à l’appétit insatiable. Je l’ai rencontrée à maintes reprises sur des chênes de notre région sans jamais vraiment la craindre pour ma santé. Si aujourd’hui je lui consacre la grande partie de cet article, c’est qu’elle ravage actuellement un chêne  isolé qui m’est cher et que je vais d’abord vous présenter…

Ce colosse végétal au port champêtre appartient au village de Bainville aux Saules. Cette petite commune située dans la plaine des Vosges peut être fier de ce vieux chêne pédonculé à l’allure royale dominant son fief avec prestance et bienveillance. La rue qui y mène se nomme d’ailleurs la rue du château… Depuis le bas du village on l’aperçoit de loin perché sur la petite colline, au bord d’une petite route agricole qui traverse les champs. Avec un peu plus de 6,20 m de circonférence à 1,30 m par rapport au haut du talus, il a la caractéristique commune de la plupart des arbres champêtres : être plus large que haut : 25 m d’envergure pour 20 m de haut. Sans concurrence depuis sa jeunesse, son tronc court vite divisé en grosses charpentières, a développé un houppier très ample pour capter le maximum de lumière.  Classé monument historique en 1911 puis arbre remarquable en 1921, un document de 1913 lui atteste à l’époque, une circonférence de 4,5 m. Approximativement il avoisine les 400 ans et depuis plus de 10 ans que je le côtoie assidûment, je n’ai jamais constaté un signe de déclin. Toujours bien équilibré, son feuillage est toujours dense et pratiquement sans bois mort. Tous les groupes du CFPPAF de Mirecourt que j’ai accompagnés, l’ont découvert. Pour moi, sa visite faisait partie intégrante de la formation forestière de base : Etant l’opposé des arbres forestiers de production, il était la référence du développement d’un arbre isolé, l’archétype du chêne champêtre…

Depuis 2015, je n’amène plus personne à son pied, mais je continue à lui rendre visite et à l’observer au moins 2 fois par an. Confiné depuis le 16 mars, le printemps est arrivé sans pouvoir constater la métamorphose de la nature à travers la forêt et son panel de nouveaux verts. Situation inédite qui s’est interrompue le 16 mai, par une balade de proximité avec un premier arrêt au lieu dit « la grande poirière » où trône notre chêne.

De loin on l’aperçoit et il est feuillé ! Mais à son approche, il semble que le vert des feuilles est moins dense que d’habitude. Horreur ! C’est un véritable siège, une invasion massive : une armée de chenilles processionnaires s’active et a investi l’arbre en entier. Je n’en avais jamais vu autant !

 La chenille processionnaire du chêne est la larve d'un papillon nocturne, brun grisatre qui apparait de juillet à septembre : Le Thaumetopoea processiona dont la durée de vie est de 1 à 2 jours. Présent dans de nombreux pays d'Europe, il n'y a qu'une génération par an. La femelle après l'accouplement, pond ses oeufs sur un fin rameau en rang serré (de 30 à 300 oeufs). Ils resteront ainsi jusqu'à leur éclosion groupée  au printemps, au moment du débourrement des arbres et apparaitront sous forme de petites chenilles. Elles vivent en colonnies dont l'ensemble des individus sont issus de la même ponte. Leur développement se fait en 2 ou 3 mois, passant par 6 stades d'évolution et avec occupation principale : manger. Elles séjournent dans des nids soyeux,qui évoluent en taille suivant le nombre des individus et leur grosseur. En fin de journée, elles se déplacent en procession vers les rameaux feuillés, pour se nourrir . C'est dès le 5 ème stade que les chenilles tissent un nid sur le tronc ou les branches, pour s'y enfermer et former leurs chrysalides et devenir à leur tour papillon. La nymphose a donc lieu dans les nids. Cette chenille provoque des défoliations importantes dans les chênaies. Elles s'installent plus favorablement en lisière de forêt, dans les chênes  de pleine lumière comme ceux de parcs urbains et les isolés. En phase de pullulation, la défeuillaison peut être complète, la pousse de la Saint-Jean étant elle même consommée. Si l'effet visuel d'une défoliation totale est impressionnant, il est assez rare que l'arbre meurt. Par contre des pertes successives de feuilles de ce genre, vont l'affaiblir progressivement. Avec une diminution de la photosynthèse et la perte de croissance , l'arrivée de ravageurs et de pathogènes secondaires vont le conduire à un inévitable déperissement...  

Si le chêne est en danger, les êtres vivants le sont aussi car cette chenille est connue comme très urticante . La protéine en cause la"Taumétopéine" est contenue dans des poils microscopiques qui apparaissent au 3ème stade larvaire (fin avril début mai). Ce sont des "setae", des soies microscopiques peu adhérentes que la chenille dépose partout, capable même d'en projeter volontairement lorsqu'elle est inquiétée. Ces poils restent urticants jusqu’à 2 à 3 ans après leur apparition et se plantent dans la peau ou les muqueuses comme des harpons. Dispersés par le vent, ils peuvent être à l'origine d'épidémies aéroportées et de troubles graves pour l'homme comme pour les animaux. (réactions allergiques, oedème, choc anaphylactique...)

Il faut donc dans la mesure du possible, s'éloigner des chênes infestés. Ne jamais toucher les nids ni les chenilles vivantes ou mortes. Localiser et signaler ces endroits. A proximité des habitations, ne pas faire sécher son linge à l'extérieur.

Quant à la lutte, c'est une affaire de spécialiste, Pour ma part, je ne vois que la mise en place de pièges à phéromones de mi juillet à mi septembre pour capturer les mâles , la pose de nichoirs à mésanges le prochain hiver avec la destruction des oeufs et des vieux nids. Tout ceci en se protégeant comme il se doit, le corps, les yeux et les voies respiratoires...

Le réchauffement global du climat favorise l'augmentation des populations de chenilles processionnaires, ainsi que la remontée plus au nord d'autres problèmes bien aussi graves. La propagation du covid 19 et le confinement qui a suivi, nous a sensibilisés à faire la différence entre le futile et l'utile, à prendre conscience que le paraitre n'est qu'une bien triste façade dépourvue de nobles sentiments... Mais  de cette leçon nous n'en tirerons sans doute, aucun devoir de raison... La nature réagit de toute façon à chaque agression, à chaque déséquilibre... Eradiquer l'Homme est peut être dans ses projets, à moins qu'elle compte sur notre faculté à nous auto-détruire...

Les photos qui suivent vous donnerons un aperçu de cette dévoreuse et de la beauté de cet arbre campagnard...

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La procession

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Invasion massive, les zones inoccupées sont rares...

Oeufs de chenilles processionnaires

oeufs de chenilles processionnaires sur un chêne à Saint Gorgon 88, le 12 février 2008.

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 Nid et mues de chenilles processionnaires. St Gorgon 88, 12 février 2012.

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Le chêne de Bainville aux Saules le 16 mai 2020.

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 16 mai 2020, les chenilles sont partout !

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29 avril 2017.

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28 08 2012 1 Rencontre avec le Maire de Bainville aux Saules

 28 août 2012, avec  le Maire de Bainville aux Saules, Mr Albert Durupt.

28 08 2012 2 Chêne de Bainville aux Saules

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28 08 2012 3 Devant le chêne de Bainville aux Saules 88

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