LE HÊTRE DE GUGNEY AUX AULX, un bel hommage à ce disparu, écrit par Mme Isabelle Mazingand...

Merci Madame et bravo ! Très heureux de partager votre poème dédié à ce magnifique hêtre  régional ... 

Ô rage, quel dommage !

Je voudrais rendre hommage
à notre « Gros Hêtre » d’un si grand âge,
qui, arrivé au terme de son long voyage…
a maintenant disparu de notre paysage !

A Gugney, il y a 260 ans, non ! pas au Moyen Age !
mais un peu avant la Révolution et son remue-ménage,
il en était au démarrage,
sur un sol calcaire avec un bon drainage.
Pas de greffage, ni marcottage,
repiquage ou rempotage,
il n’était qu’une faîne, pas davantage !

D’une germination, une plantule, il a fait étalage ;
puis, sans besoin de dopage,
un petit tronc et ses premiers branchages.
Juste du soleil, de la pluie en bon dosage :
quelques années de rodage
et s’épaississent ses ramages,
puis au fil des décennies montent les étages
tout en prenant soin d’un bon ancrage.

Ainsi, il est devenu comme un personnage.
Isolé, majestueux, au détour d’un virage ;
à sa gauche montante Madegney et ses pâturages,
à sa droite descendante Vaubexy par les affouages,
il se présentait comme un Grand Sage.

Combien de nos ancêtres, assis au pied de ses . jambages,
il a connus ! Les paysans après l'ouvrage,
le temps d'une pause après le fauchage,
ou une soirée après le moissonnage,
ont pu apprécier son ombrage,
y faire reposer leurs bœufs en attelage
après un difficile charruage
ou une journée de hersage.
D'autres encore, y sont allés en commérages,
ont partagé confidences et papotages,
voire ajouté un tantinet de radotage !

Il a sans doute vu de nombreux badinages, batifolages
et se dégrafer des corsages,
puis de leurs fruits, les enfantillages,
qui allaient mener jusqu’au mariage !
Si les enfants en son creux en avaient fait un lieu de . camouflage,
les animaux y vivaient davantage :
alors que les pics y étalaient leur joli plumage,
les écureuils sautaient dans ses branchages
en faisaient leur havre de perchage,
pendant que les sangliers à son sol assuraient leur hivernage.

Mais, au fil des années, il commençait à en subir les outrages.
Voilà maintenant qu'un champignon se propage,
qui jusqu'au cœur l'endommage !
Alors il a fallu rivaliser d'idées de bricolage
pour le sauver du naufrage !
Comme à des membres blessés on lui a posé des bandages
voire du ferraillage
et des grands cerclages,
enroulé des cordages et câblages,
dans une ultime tentative de redressage
et pourquoi pas, de sauvetage !

Hélas un nouvel orage
Aura provoqué son écimage.
Pourtant debout avec courage,
il n'avait pu lutter davantage
face à ce nouveau foudroyage.
Alors, il aura fallu décider de son abattage
pour en faire du bois de chauffage.
Plusieurs journées de tronçonnage,
cubage, treuillage, débardage,
n'ont fait que démontrer l'ampleur du naufrage.

On y viendrait maintenant comme en pèlerinage
Pour les novices, en suivant balisages et fléchages
Pour les curieux, en lisant les tables d'affichage
Pour les respectueux, en y faisant du nettoyage
Pour les nostalgiques, comme en photoreportage

Alors j’aurais un petit message
pour tous les habitants du village :
Dans un grand moment de partage
puis avec quelques arrosages,
le temps de son domptage
et qu'il trouve ancrage,
plantons celui qui nous fera écrire une nouvelle page !

Ainsi, à la manière d'un parrainage,
nous pourrons rendre un grand hommage
à notre arbre remarquable, ce Grand Sage
que le temps nous a offert en héritage.

Comme nous, dans un sillage,
Il n’était sur la Terre, que de Passage.

Isabelle Mazingand
1er janvier 2022

mazingand-isabelle@wanadoo.fr