UNE DES "GUEULES CASSEES" DE LA ZONE ROUGE DU CHAMP DE BATAILLE DE VERDUN : LE HËTRE CHANDELIER. 24/11/2020.

Le hêtre « chandelier »    est un des derniers blessés de la Grande Guerre encore vivant de la forêt domaniale de Verdun. C'est une "gueule cassée" du monde végétal : décapitée par des obus et ainsi délesté de son houppier, ce vénérable témoin de l'horreur a reconstitué lentement sa cime en deux axes, s'accrochant à la vie comme un miraculé... Agé d'environ 200 ans, il est maintenant bien fatigué ayant perdu pendant la tempête de 1999, un de ses axes, laissant apparaitre une blessure béante impossible à cicatriser. Son tronc coté opposé à l'arrachement est très dégradé et présente une cavité importante le fragilisant mécaniquement. Malgré son déséquilibre, ses longues branches surtout les plus basses, lui confère prestance et grandeur. Sa circonférence mesurée en 2014 était de 3,55 m, l'ayant moi même mesurée aujourd'hui, je n'ai trouvé aucune différence significative.

Ici nous sommes en « zone rouge » ! C'est un territoire constitué d'anciennes terres agricoles et de forêts complètement dévastées. Elles sont devenues propriété de l'Etat par une loi promulguée le 17 avril 1919. Les terrains achetés n'étaient plus constitués que par des trous d'obus, de la boue sans végétation, des amas de métal, des munitions non explosées et une pollution aux métaux lourds tels que le plomb, le mercure et aux gaz de combat ... La forêt domaniale de Verdun fait partie de cette zone dite « rouge » couleur qui ne fait pas référence au sang versé mais à la couleur du trait sur la carte, quoique d'innombrables corps y sont toujours ensevelis… Cet immense cimetière mérite d'être préservé... Il est un haut lieu de mémoire qui évolue au fil du temps et des activités forestières.

Quant à l'expression "gueule cassée", elle désigne à l'origine, les survivants mutilés au niveau du visage mais s'étend aux blessés affectés par des séquelles physiques et psychologiques graves dont un bon nombre ne pourront regagner la vie civile. Ce nom, on le doit  au colonel Picot qui fonda, le 21 juin 1921, avec Bienaimé Jourdain et Albert Jugon, l"UBFT, Union des Blessés de la Face et de la Tête. Il faut le rappeler : Plus de 500 000 soldats furent blessés à la face et à la tête dont 15 000 très gravement. Les aider moralement et matériellement était un devoir. La guerre passée, la générosité spontanée des gens s'est estompée peu à peu et devant l'insuffisance d'aide, « les gueules cassées » lancent alors des souscriptions agrémentées de tombola. Le succès est fulgurant si bien que l'Etat crée peu de temps après, La Loterie Nationale... L'actuelle Française Des Jeux en est l'Héritière...

Un grand merci à mes trois accompagnateurs du jour. Ils m'ont permis de découvrir ce vieux hêtre qui a connu l'enfer de 14-18 et de partager avec vous mon intérêt sur l’histoire de notre pays.

La balafre de 1999 

 l'importante cavité du tronc

D'autres sujets à proximité du hêtre chandelier

 Certains étaient déjà là en 1914...

 Celui là n'est pas mal non plus ! 

Documents trouvés sur Internet ; www.gueules- cassees.asso.fr (à consulter absolument !)

Devise des "Gueules-Cassées" : "Sourire quand même".

"La Dette", campagne de souscription nationale lancée en 1931.

 "Un Dixième des Gueules-Cassées", lancé en 1935, il assurera les ressources de l'association durant plusieurs décennies...

Les 3 fondateurs de  l'UBFT : Yves PICOT, Bienaimé JOURDAIN et Albert JUGON... En se documentant sur le parcours de chacun d'entre eux, on ne peut que s'incliner devant autant de compassion envers les autres...