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Les feuilles de Pierre Cuny
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  • Travaux forestiers, bûcheronnage, élagage, soins aux arbres, démontage d'arbres dangereux, sylviculture, les végétaux et la nature dans tous ses états. A la découverte de notre patrimoine végétal et architectural...
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3 avril 2020

le vieux tilleul de Saint-Dié, un symbole vivant qui mérite un profond respect et beaucoup d'attention... 3 avril 2020.

 

Photo 1 en juin 2012

Photo 1 : en juin 2012.

Nous voici donc à Saint-Dié, ville natale de Jules Ferry pour découvrir le plus sédentaire des Déodatiens mais aussi le plus âgé d’entre eux : Le tilleul de la cathédrale. Selon certaines sources sa plantation remonterait vers 1350,  mais la première mention écrite, le mentionne en 1414, sur un acte de vente d’une maison sise « devant les degreis qui sont dessoub le tillal qui est en le semetiere Sainct Diey » Ce document conservé aux archives Départementales des Vosges atteste que notre tilleul avoisinant les 7 siècles d’existence côtoyait bon nombre de sépultures, dont certaines ont été découvertes par la suite. A noter que les vieilles églises possèdent le plus souvent un cimetière qui les ceinture. Il est le gardien indissociable de l’ancien quartier canonique auquel il appartient. La cathédrale forme avec l’église Notre Dame de Galilée et le cloitre qui les relie, un ensemble architectural remarquable modifié et enrichi dans le temps par des apports successifs de styles différents, roman, gothique et classique. Le tout se mêle harmonieusement, s’unifiant avec les nuances roses du grès local dont le camaïeu offre au vert printanier de notre tilleul, un sublime contraste. (photo 1)  Du XV siècle à nos jours, notre arbre urbain a vu défiler des générations d’Hommes et bien des envahisseurs, témoins des joies mais aussi des grandes peines de notre Histoire aussi riche que  mouvementée. Prisonnier de ses racines, il a tout essuyé, mais malgré les coups durs, les mutilations, les intempéries, les incendies et les vandalismes, il demeure là presque intemporel, se jouant du temps et de la mort malgré les marques légitimes de sa sénescence. (photo 2)

Photo 2 :16 janvier 2020

Photo 2 le 16 janvier 2020

. Le journal « la gazette vosgienne » du 24 juin 1900 en témoigne « Nous apprenons qu’une des grosses branches du tilleul s’est rompue sous son propre poids jeudi soir, vers 9 heures avec un craquement qui a été entendu d’assez loin… Il lui reste encore deux branches dont une émergeant horizontalement du tronc, aura sans doute, un jour prochain, le même sort… »  Des propositions d’étayage sont proposées en citant en exemple les travaux entrepris sur le tilleul de Morat à Fribourg. Seul le tronc sera garni de moellons puis plus tard maçonné à sa base. (photo 3 a et b).

Photo 3a : Le tilleul de Morat à Fribourg (Suisse) source internet.

Photo 3 tilleul de Fribourg

Photo 3b le tilleul de Morat en 1926.

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 Déjà condamné, tout le monde le croit définitivement perdu en 1917, lorsque la dernière partie de son houppier s’écrase dans la rue du Nord. Seul le tronc creux entièrement démembré subsiste…

Si sa renaissance peut être considéré comme miraculeuse, l’incroyable longévité et la résilience de cette essence, n’est plus à démontrer. Beaucoup de très vieux tilleuls perdent une ou deux charpentières voire le houppier complet. Rapidement, ils s’évident de leur bois de cœur, devenant complètement creux. La vie étant concentrée à la périphérie (aubier, cambium), le tronc s’alimente avec suffisamment de vitalité pour se reconstruire et continuer à vivre plusieurs siècles. Preuve en est avec ces photos, vers 1889, après le 24 juin 1900, et pendant l’hiver 1917-1918. (Photo 4,5,6).

Photo 4 : vers 1889 

Photo 4 vers 1889

  Photo 5 : Après le 20 juin 1900

Photo 5

 Photo 6 : Hiver 1917-1918

Photo 6 hiver 1917 1918

De nombreux écrivains l’ont mentionné dans leurs œuvres, tels que les romanciers Henri Thomas, Jacques Brenner ou Henry de Montherlant. Fernand Baldensperger, co-fondateur de la revue de littérature comparée en parle ainsi : « Le tilleul que nous admirons en revenant de l’excursion, en même temps que son analogue, l’orme du plateau de St Roch, m’a laissé un souvenir plus confiant que les cryptomères du Pacifique ».  Evoqué dans les lectures, il n’apparait pas seulement sur d’anciens clichés photographiques mais aussi sur des peintures et dessins. Amédée Cateland architecte et orfèvre, l’immortalisa sur papier en 1916. Au cours de sa mobilisation sur le front vosgien, il est affecté à la réalisation de relevés topographiques, et passe son temps libre à s’exprimer artistiquement par le dessin. (photo 7).

Photo 7 Dessin d'Amédée Cateland 1916

Témoin de ce premier conflit mondial, le déjà vieux tilleul de Saint-Dié va assister lors de la guerre de 1940-45, à la quasi complète destruction de sa ville. Le 14 octobre 1944, les premiers obus américains atteignent la cité occupée. Jusqu’à la fin du mois, les bombardements s’intensifient jusqu’au 14 novembre au soir où la ville  est incendiée et dynamitée par d’irascibles Allemands qui battent en retraite. Ce n’est que le 21 novembre que Saint Dié est libéré mais ce n’est guère plus qu’un champ de ruine… La lente reconstruction débute, les années, les décennies passent, des murs s’élèvent, et de nouveaux quartiers apparaissent… Le tilleul lui, reconstitue discrètement et au fil des printemps sa ramure,  pour atteindre ce qu’il est actuellement. Il est le symbole vivant de la farouche vitalité de la cité déodatienne, à s’accrocher à la vie malgré la violence des épreuves.

En 2016, le tilleul nettoyé de son bois mort s’est vu entouré d’une rambarde de protection dissuasive, le préservant du piétinement et d’éventuelles agressions. Un paillage de bois fragmenté a été mise en place couvrant ses racines, afin d’améliorer la structure du sol, de réduire les besoins en eau et de réactivé l’activité biologique.

En juin 2017, le tilleul du parvis de la cathédrale était honoré et élevé au titre d’arbres remarquables de France. Une distinction décernée par l’éminent Georges Feterman, président de l’association ARBRES, professeur agrégé de Science de la Vie et de la Terre et auteur de livres sur les arbres et les beautés de notre pays.  Notre tilleul à petites feuilles est  désormais le seul arbre vosgien distingué de la sorte. Son homologue de Gérardmer labellisé en 2000, a hélas été abattu pour des raisons de sécurité le 29 mars 2018.

Depuis le début du 21ème siècle, l’arbre est devenu avec l’ensemble des végétaux et des espaces naturels, un enjeu vital pour l’humanité. Avec le réchauffement climatique qui s’affirme, les consciences convergent doucement vers un retour à la Nature et à sa préservation. Saint-Dié et son équipe municipale œuvre dans ce sens à travers la trame verte du territoire qu’elle gère. Une charte de l’arbre déodatien est déjà en place. C’est une louable initiative  qui mérite d’être copiée massivement et durablement ! (www.saint-die.eu).

Photo 8 mars 2019

 

Photo 9 mars 2019

 

Photo 10

 

Remerciements à Mr Jean-Claude Fombaron et à Mr Yann Prouillet de la Société Philomatique Vosgienne.

Légende des photos : 1, 2,8,9 et 10 : clichés perso.

Photo 1 Le vert et le rose du grès des Vosges, une belle association…

Photo 2 Un tronc creux, tourmenté et cimenté à sa base…

Photo 3 Le tilleul de Morat à Fribourg, cité en exemple sur un journal local du 24 juin 1900. (source internet).

Photo 4 Vers 1889, le tilleul possède encore ses 2 énormes charpentières. (source Société Philomatique Vosgienne.

Photo 5 Le tilleul ici, a perdu sa charpentière de droite.(événement survenu le 24 juin 1900. (S. Philomantique Vosgienne).

Photo 6 En hiver 1917-1918. (S Philomantique Vosgienne).

Photo 7 Dessin d’Amédée Cateland en 1916. (En 2014, une quarantaine de réalisations de cet artiste ont été regroupées lors d’une exposition au musée Pierre Noël de Saint-Dié).(S Philomantique Vosgienne).

Photo 8 et 9 Le voilà actuellement, attendant la venue du printemps.

Photo 10 Label Arbres Remarquables de France.

 

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